Discussion sur Bouddhisme Thibétain

Carte Tibet

Bouddhisme ThibétainDrapeau tibétain

Tashi Dele

(Bonjour en tibétain),

Nous voici rentrés de notre séjour au Tibet.

« Shangri-la », «  Pays des neiges » ou «  Toit du monde », le Tibet a toujours occupé une place à part dans mon imaginaire. Nous avons eu le privilège de le parcourir pendant  3 semaines et de découvrir ses  paysages naturels magnifiques et sa population aux coutumes distinctives et au charme populaire simple.

De Lhassa, la capitale, nous avons emprunté la très spectaculaire route de l’Amitié (920 km) qui la relie à Katmandou (Népal), traversant les cols et le plateau tibétain (5220m d’altitude).

Arrivée à Lhassa, ville de tous les émerveillements. Altitude 3 700m. On a du mal à respirer. Le mal des montages nous attend : maux de tête, vertiges et nausées. Nous n’avons souffert que de maux de tête, et les deux premiers jours nous carburons à l’aspirine. Après 3 jours le corps s’habitue et on peut envisager d’aller plus haut, vers les hauts plateaux, direction le mont Qomalangma (Reine des montages : l’Everest 8 843m d’altitude).

Du bouddhisme tibétain je ne connaissais que ce que j’avais cru comprendre, à travers les deux célèbres films : « 7 ans au Tibet «  et « Kundun», ainsi que des divers livres et écrits du Dalaï-lama, sans compter toute la collection des « Rampa »,  mais je dois avouer avoir été plutôt surprise par ce que j’ai vu dès mon arrivée  à Lhassa. Surprise et dérangée. La pratique du bouddhisme au Tibet est bien loin de l’idée que l’on s’en fait en occident, ou, que peut-être  on veut bien nous en donner. Sans doute que ‘exposer’ cette pratique et ses implications sur la vie au quotidien du  peuple tibétain, et je parle bien de la pratique, et non de la philosophie, entraînerait une baisse de cet élan spontané de sympathie et de soutien que l’on éprouve pour la défense de la cause tibétaine. Non pas que cela puisse justifier l’invasion de ce territoire et les diverses exactions qui y ont été commises, et continuent de l’être ….mais, sur place au Tibet, on ne peut s’empêcher de penser que les choses,  comme toujours ne sont pas aussi simple que cela.

En effet quelle est la part de la pensée bouddhiste dans ce mélange de traditions, superstitions, fables et légendes.  La philosophie bouddhiste tibétaine est noyée sous des rites ancestraux animistes !

Premier contact avec la spiritualité dés notre arrivée a Lhassa. On ne peut manquer les flots incessants et pittoresques des pèlerins dans leurs ferventes prosternations et circonvolutions répétitives, moulins ā prières en main.  Tous les 3 pas, le pèlerin se «  jette » à terre pour toucher le sol de son front. Puis se relève et recommence. Le pèlerinage peut durer 8 mois avant d’atteindre le Potola. (Leur point de départ étant leur village respectif, et certains pèlerins viennent de régions très reculées du Tibet). Le but : atteinte de la boddhéité  dans une prochaine réincarnation. Sur le chemin circonvolutions (plus on fait de tours, mieux c’est) autour des lieux sacrées (stûpas, monastères, lacs et montagnes, … ; au pied de chaque statue, il fait l’offrande de quelques Mao (centimes d’Euros), les divinités sont nombreuses.

Bouddhisme des austérités, de l’extérieur, du petit véhicule ?

Mes futurs échanges avec notre guide et ses explications, tout au long du voyage qui devait nous conduire vers la chaîne de l’Himalaya,  nous en apprendront bien plus : Tenzin, nous a été recommandé par la propriétaire d’un restaurant chinois de Yangshuo (Guangxi Province) avec qui nous avons gardé des liens d’amitié. Il a 33 ans et étudie la philosophie bouddhiste  pour passer les examens d’admission  afin d’intégrer un monastère, car il veut (ou plutôt il doit- j’expliquerai la raison plus tard-) devenir moine !

Donc, une pratiquante du Sutra du Lotus et un futur moine tibétain + un militant syndicaliste à l’esprit cartésien  embarqués dans la même voiture pour 2 semaines. De beaux échanges en perspectives !

Pendant notre période d’adaptation au mal des montagnes nous en profitons pour visiter Lhassa : Le Potola, Le Barkhor : essentiellement un circuit de pèlerinage qui se parcourt dans le sens des aiguilles d’une montre autour du temple de Jokhand,,  1 des sanctuaires les plus sacrée  du Tibet qui se compose d’un labyrinthe de chapelles, salles et galeries  contenant quelques uns des plus beaux et plus anciens joyaux de l’ art tibétain (1700 ans), et le Monastère de  Drepung : au temps de sa splendeur il formait la plus grande cité monastique au monde avec ses 7000 moines – aujourd’hui plus que 300  résidents.

Les autorités chinoises font tout ce qui est en leur pouvoir pour diminuer l’importance de la  population monastique (qui ne survit que grâce aux dons du peuple tibétain – ce qui contribue à appauvrir celui-ci- c’est une réalité que l’on doit prendre en considération-

Les autorités ont,  pour ce motif, et sans doute pour d’autres raisons idéologiques, que je développerais dans un autre mail,  mis en place un examen d’admission  pour contrôler les vocations monastiques. Lorsque les quotas sont dépassés on échoue tout simplement à l’examen, ou, comme dans le cas de Tenzin, on attend pendant des années les résultats.

Il y a trois « sectes » ou écoles au Tibet.

Les Bön : très peu nombreux- pas rencontré durant notre voyage.

Les chapeaux jaunes qui est l’école principale avec le Dalaï-lama- et qui inclut

Les chapeaux rouges.

Nous poursuivons donc notre voyage… De la vaste et fertile région d’élevage du Yarlung où paissent yaks, moutons et chèvres, suivant les eaux séduisantes des grands fleuves, serpentant paisibles, en direction des hauts plateaux ou les lacs bleus semblent des miroirs, vers la  chaîne ininterrompue de l’Himalaya, aux  splendides paysages de neige, découvrant au passage les sites historiques solennels, des coutumes ethniques singulières et le destin singulier d’un guide tibétain, futur moine en attente.

Moi : « Pourquoi veux tu être moine Tenzin ? »

Tenzin : « Je n’ai pas le choix, ma mère en a décidé ainsi «

Moi !!!

Tenzin : Explication – Le matriarcat au Tibet-

Les femmes décident du destin de leurs progénitures. Tenzin a 4 frères et 2 soeurs. Maman a décidé que le frère aîné de Tenzin devait se marier, d’ailleurs, elle a déjà choisi la future épouse (sans consulter son fils, il ne la rencontrera  que 3 jours avant les noces). Le problème c’est, que lui, se sent plutôt fait pour la vie monastique. Il implore, il prie, il supplie…le frère cadet vient à son secours et négocie ; « j’épouserais moi la femme que tu as choisie ainsi laisse le devenir moine ». Il semblerait qu’au Tibet ce que femme veut…le bouddha le veuille aussi. Le frère aînée ‘s’épousaille’  la mort dans l’âme et se résigne à son destin conjugale pendant 6 mois, juste le temps de concevoir un enfant, qu’il ne connaîtra jamais, car à l’annonce de sa futur paternité, il se rend compte qu’il n’est définitivement pas fait pour cette vie et disparaît. Le village le cherchera pendant 3 jours entiers sans trouver trace de lui.  Après la naissance de son enfant, la mère se décidera à déclarer son décès et à organiser ses funérailles.

La coutume veut, en cas de veuvage, que l’un des frères du défunt épouse la veuve.

Il se trouve que le cadet vient de recevoir son ordre d’affectation dans l’armée. Le mot ordre prend tout son sens dans ce contexte, car le gouvernement chinois ‘désire’ ‘encourager’ les vocations militaires peu nombreuses chez le peuple tibétain. On ne parle pas d’enrôlements forcés mais de quota d’intégration. Le gouvernement chinois possède le sens de l’euphémisme. Le cadet part donc à  Pékin pour une période de 2 ans (immersion totale/intégration réussie) pour débuter sa carrière.

Reste Tenzin et son plus jeune frère.

« Heureusement » me dit Tenzin  « j’étais trop jeune pour épouser la veuve, et le benjamin encore plus jeune ».

Il fut donc décidé, (par la mère),  que la jeune femme était libre de se choisir un autre compagnon. Ce qu’elle fit.

Exit la bru

Tenzin, lui, sera moine (dixit maman/ sans appel).

Le plus jeune se mariera.

Nouvelle du fils aîné.

Une année après ses funérailles, la mère reçoit une lettre du ‘disparu’. Il vit au Népal ou il s’est enfoui pour échapper à sa condition d’homme marié. Dans un premier temps il a  gagné sa vie comme cuisinier dans un restaurant, puis a réussit a trouver un maître qui accepte de lui enseigner le bouddhisme et a ainsi été admis dans un  dans un monastère et est devenu moine. Il est heureux.

Suite à ce courrier, Tenzin eut le secret espoir que sa mère changerait d’avis à son sujet puisque désormais il y avait déjà un moine dans la famille. Mais la décision fut maintenue. Il serait moine.

« Mais, as-tu envie d’être moine ? »

«  Pas le choix, je dois obéir a ma mère »

«  Que se passerait-il si tu n’écoutais pas ta mère ? «

« Je serais un fils irrespectueux, et le bouddhisme nous invite aux respect des parents »

« Le bouddhisme nous invite au respect pas à l’obéissance »

« Obéir à ses parents c’est les respecter »

« Tu penses que ta mère a le droit de décider pour ta vie ? »

Tenzin se gratte la tête. Ce geste j’apprendrais à le connaître, car il se répétera à chaque question qui lui pose problème pour aboutir à chaque fois à  la même réponse

« C’est ce que les Tibétains croient »

« Mais toi, c’est ce que tu crois ? »

« C’est ce que les tibétains croient » et je n’obtiendrais rien d’autre. Je sais que le sujet est clos.

Le Mont Qomolangma 8 848,13 m d’altitude : « Reine des montagnes »,  se dresse à la frontière sino-népalaise, toujours noyé dans une volute de nuages blancs. Sous le vent ouest, il parait couronné d’un drapeau flottant vers l’est, le fameux « drapeau de nuages » du  Mont Everest qui ajoute un charme extraordinaire à la vision imposante et solennelle du mont. Là, seul un monastère offre le gîte et le couvert. Le monastère de Rongphu de la lignée Nyingma (chapeaux rouges) est le monastère à la plus haute altitude du monde. On peut y déguster de la soupe à la viande de yak succulente.

Moi : ‘ Je croyais que les tibétains étaient végétariens ‘

Tenzin : ‘ La vie au Tibet est très dure, surtout l’hiver, pour ces questions de survie, permission nous a été donné de manger de la viande.

Les moines aussi mangent de la viande ?

Oui, sinon ils n’auraient pas la force et l’énergie pour étudier de longues heures.

Je pensais que vous ne pouviez pas tuer les animaux

En effet, la compassion nous interdit de tuer les animaux.

???  Alors comment faites vous ? Qui tue les yaks ?

Les musulmans tuent les yaks. Nous pouvons marcher quelque fois 3 à 4 heures voir plus,  pour aller chercher un musulman qui accepte de venir dans notre village tuer des yaks.

Il y a beaucoup de musulmans au Tibet ? (Me souvenant du quartier musulman et de la mosquée croisée au hasard dans les vieux quartiers de Lhassa).

5% de la population du Tibet

Vous vous entendez bien avec eux

Nous ne leur adressons jamais la parole.

??

Ils ont si peu de compassion pour les animaux. Nous tibétains ne pouvons pas parler avec ceux qui tuent les animaux.

!!  Mais c’est vous qui leur demandez de tuer vos yaks !

Oui, mais nous ne pouvons fraterniser avec ceux qui tuent les animaux.

Vous éprouvez de la compassion pour les animaux mais aucune pour les musulmans ?

Tenzin se gratte la tête et je sais à l’avance quelle sera sa prochaine réplique : « C’est ce que nous, les tibétains croyons ».

La compassion, c’est un sujet dont nous parlerons souvent avec Tenzin. Dans diverses situations et sous diverses formes. Car il semblerait que leur recherche bouddhique soit plus axée sur l’atteinte de cet état de compassion que de celui de la sagesse.

Tenzin : Sans compassion on ne peut pas atteindre la bodhéité. Le bouddha est infini de

Compassion.

– La compassion c’est quoi pour toi ?

– La compassion, c’est,  comment dire ? (Grattement de tête) c’est si je vois un homme se noyer je me jette à l’eau pour le sauver.

– Tu sais nager Tenzin ?

– Non

– Alors pardonne moi de te le dire mais dans ce cas là c’est de la stupidité non pas de la compassion.

– L’acte de se jeter à l’eau sans réfléchir se suffit à lui-même, c’est un acte de compassion.

– Le bouddhisme nous enseigne que notre vie est précieuse. Pourquoi la perdre inutilement ?

– Si je suis plein de compassion, je ne peux rester sur le bord regarder cet homme se noyer.

– Alors mourir avec lui serait un acte de compassion ?

– Lorsque je vois l’homme se noyer, je ne pense pas, j’ai oublié que je ne sais pas nager, je saute pour le sauver. C’est de la compassion.

– Et quand fais tu appelle à ta Sagesse ?

– La Sagesse ?

– Oui, l’acte juste au juste moment. Savoir ce qu’il faut savoir au moment où il faut le savoir. En somme, faire apparaître le meilleur moyen pour sauver cet homme de la noyade au lieu de périr avec lui.

– Comme quoi par exemple ?

– Une corde. Chercher une corde.

– Et si il n’y a pas de corde ?

– Et bien, peut-être que c’est le Karma de cet homme de mourir noyer sans que tu ne puisses rien faire.

– Le bouddha dans sa grande compassion a offert son corps en offrande au Tigre affamé.

Et de me raconter l’histoire de ce tigre en train de mourir de faim qui croise le chemin du Bouddha. Le Bouddha lui offrira son corps comme nourriture.

Pour un peu je me gratterais la tête. Tout d’un coup la compassion devient un sujet confus pour moi.

Il y a des tigres au Tibet Tenzin ?

Plus maintenant. Mais il fut un temps ou il y en avait.

Ouf  (Aucun risque  de perdre mon guide dévoré dans un élan de compassion).

Quelquefois la compassion nous cause bien des soucis. Poursuit Tenzin. Pour cette raison les moines évitent les femmes.

Tenzin et les femmes tibétaines.

Notre chauffeur, plutôt beau garçon, ne perd aucune étape pour faire connaissance avec les beautés locales. Invariablement il disparaît après le repas du soir. Si Tenzin recherche la compassion, lui semble très éveillé aux mystères de la féminité. Très vite je me suis aperçu que Tenzin vit les succès de son collègue et ami par procuration. J’ai comme l’impression que notre guide est puceau bien que sensible aux charmes féminins.

Comment aborder le sujet ?

Parle nous des femmes tibétaines Tenzin.

Les femmes tibétaines sont tellement …fortes. Je perçois dans sa voix une sorte d’admiration mêlée d’effroi.

Elles décident, sont très résistantes et…obstinées. Comment te dire ? ( How to say ? en anglais). Moment de réflexion… « Toutes les montagnes au Tibet porte un nom féminin. L’Everest en Tibétain signifie « reine des montagnes ». Les femmes sont des montagnes, tu comprends ».

Moment de silence- Je contemple l’Everest, la reine des montagnes.

l’ascension est difficile ?

Périlleuse

Je comprends la note d’effroi contenue dans la voix de Tenzin

Nos femmes sont si …fortes (Il cherche ses mots).

Je les imagine ces femmes montagnes, fortes, obstinées, périlleuses, que l’homme tibétain admire avec effroi, tout en contemplant l’image de sa propre vulnérabilité. Se peut- il que ce trouve là, le motif de son retirement, de son refuge dans la vie monastique ? Face à ces femmes montagnes et le vide dans lequel il s’abyme n’a-t-il pas d’autres choix que de méditer pour retrouver son unité.

Nos femmes ne veulent plus travailler après 2 heure de l’après-midi. Même si le mari vient réclamer son aide pour rentrer la récolte avant la pluie, à  partir de 14h elle ne bougera pas. Elle lui répondra qu’elle ira l’aider le lendemain matin et continuera à discuter tranquillement avec les autres femmes, tout en buvant du chang (ou thomba, cette bière locale tibétaine au goût de cidre fermier obtenue par la fermentation de grains d’orge. Assez peu alcoolisée, elle fait vite tourner la tête si l’on y revient.). Le soir venu, elles sont dans un état de léger degré d’ivresse qui ne reçoit guère l’approbation de leur conjoint.

Tout au long du voyage, Tenzin nous racontera plusieurs épisodes avec sa mère et nous comprenons très vite que les femmes du Tibet ne sont pas tendres et par tendance autoritaire, bien que non exempt d’une certaine sagesse. Je comprends maintenant pourquoi la compassion importe plus que la sagesse pour Tenzin. Face à ces montagnes vertigineuses l’homme tibétain recherche la compassion.

Bien que vivant dans un monastère, les moines peuvent sortir librement et retourner rendre visite à leur famille dans leur village à leur gré. Dans leurs déplacements qui peuvent durer plusieurs jours ils jouissent  de l’hospitalité des familles rencontrées au fil du voyage et sont amenés à rencontrer des jeunes filles. …

 

Campés sur des sommets battus par les vents, ou abrités au creux de quelque vallée retirée, dans un silence absolu, éclairé de la sérénité omniprésente d’un ciel bleu azur et du parfum malodorant des bougies au beurre de yak , se déroule l’existence réglée du moine tibétain ; Toute entière, au milieu des rappels destinés à lui indiquer la voie à suivre, domestiquée par une discipline de fer, rythmée et  divisé entre les cérémonies liturgiques, l’étude,  l’obligation de consigner à la mémoire des milliers de pages de livres, les disputations au déroulement  quasi rituel  (Ce sont des discussions publiques entre étudiants, hautement pittoresques, pleines de vivacité et de bonne humeur), et, pour les meilleurs, la méditation ou l’étude approfondie de la dogmatique. Dans ce décor naturel grandiose et farouche se déploient, sur un rythme lent, ponctué par les clochettes, les trompes et les tambourins, les volutes des sutras psalmodiés d’une voix extrêmement basse qui vient du creux du ventre.

Tenzin  – ‘ Pour nous consacrer à l’essentiel, nous faisons donc vœu de célibat’

Moi  – ‘ Célibat ou chasteté ?

Si j’ai de relations avec une femme je dois quitter immédiatement le monastère, je ne peux plus être moine.

Tu veux dire si quelqu’un découvre que tu entretiens des relations avec une femme tu dois partir, mais si personne n’est au courant ?

Moi je le sais, et je ne peux plus rester, je ne peux plus être moine.

Les vœux monastiques peuvent- ils se romprent ?

Par principe ils sont perpétuels, mais en réalité divers motifs sont acceptés pour que le moine annule ses vœux et soit rendu au monde.

C’est quoi l’essentiel ?

Extirper l’homme de l’Homme, d’une manière complète, sans retour ni repentance. Vivre en dehors du Soi.

Et pour ce faire vous extirpez la femme de l’homme ?

La femme c’est la substance, la chair, la matière, nous devons en sortir pour aller vers l’immatériel.

Le naturel et l’immatériel, on le trouve quotidiennement au Tibet,  pêle-mêle dans chaque pierre, dans chaque regard, dans chaque murmure du vent qui s’engouffre dans les passages étroits des innombrables temples.

C’est pour cette raison que vous évitez  les femmes ? (Je comprends alors,  pourquoi,  à aucun moment,  je n’ai réussi à rencontrer le regard d’un moine lors de nos séjours et hébergement dans leurs monastères).

Non, c’est à cause de la compassion.

?

Les moines qui n’ont pas prononcé les vœux de renoncement au monde peuvent aller et venir à leur gré et sont inévitablement amenés à côtoyer les femmes, tout particulièrement lorsqu’ils retournent rendre visite à leur famille. Il arrive quelquefois, que lors de leur voyage solitaire, au gré d’une halte hospitalière, une jeune fille s’éprenne de lui.

Je les comprends. Avec tous ces jeunes hommes dans les monastères, le nombre des prétendants doit être plutôt restreint. C’est pour leur épargner ces souffrances inutiles que vous les évitez ?

Quand la jeune fille est amoureuse elle vient voir le moine et lui dit : « Si tu pars je mourrais de chagrin. Tu ne veux pas être responsable de ma mort ?». Alors le moine doit choisir (grattement de tête intempestif de Tenzin, l’idée même ébranle sa belle pacification mentale).

Partir sur les routes du monde invisible de l’impermanence et se retrouver piégé par la matière, c’est le danger qui guette le moine de passage.

C’est du chantage affectif Tenzin, tu ne crois pas qu’elle va vraiment mourir ?

Et si elle meurt ? J’aurais manqué de compassion.

Alors par compassion il se marie ?

S’il se marie il ne peut plus être moine.

Alors que fait-il ?

Il réfléchit. Alors la jeune fille lui offre de l’alcool à boire.

Pour lui faire perdre la tête ?

Si je suis moine je n’ai pas le droit de boire de l’alcool, mais en tant qu’invité je ne peux pas refuser l’offrande.

Je comprends enfin le jeu perfide de la matière ; faire vaciller toute la structure mentale et psychologique du pauvre moine en le plaçant devant un choix inconcevable.

– Si le moine ne boit pas alors elle lui dit « nous n’avons plus rien à manger et nous avons faim, va tuer un yak ». Il  ne peut pas tuer d’animaux, mais il ne peut ignorer la faim de la famille qui l’accueille.  La compassion  nous plonge dans la confusion et nous avons du mal à percer les nuages (La confusion est semblable aux nuages mais  par-dessus les nuages le soleil brille sans interruption).  Pour ces raisons nous évitons les jeunes filles.

Un  tigre affamé tout compte fait c’est plus simple.

Ouiiiii (rire de Tenzin)

Je pose ma tête et mes équations du jour sur l’oreiller : Compassion ou Sagesse ? Compassion et Sagesse ?

L’homme tibétain est plein de compassion mais avec peu de Sagesse.

La femme tibétaine, elle, a peu de compassion mais…Est-elle sage pour autant ?

En tout cas elle est ‘maligne’, ça c’est sûr.

Et le tigre, lui…

Bonne nuit.

Béa

A Suivre


Des nouvelles de Tenzin juillet 2009.

Tenzin a vécu 8 ans comme moine au monastère de Ganden et a ensuite rencontrée une femme chinoise avec qui il  a vécu 3 ans.
Cette femme l’a quitté et à présent il regrette son ancienne vie monastique et aimerais bien retourner mais il considère qu’il est devenu sale et qu’il n’est plus digne de la vie monastique dans cette vie.

Pour

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